Entre dunes et écume, la cité portuaire d’Essaouira dresse ses fortifications et sa silhouette blanche face à l’océan nourricier et sauvage. .

Les yeux s’y baladent, curieux et gourmands, indépendants des jambes qui prennent un malin plaisir à choisir le chemin le plus aventureux. S’y perdre devient un jeu et un but. Tandis que l’on recherche des beautés architecturales cachées derrière les vieilles portes ouvragées, on y croise des artisans souriant sur le seuil de leur échoppe, des enfants tout à leurs jeux d’enfants, les voiles blancs et noirs ondulants des femmes forcément drapées de mystère, tout en évitant les carrioles à bras débordant de fruits mûrs ou de matériaux improbables poussées par des laborieux empressés… il y a dans ce théâtre à ciel ouvert, cette chorégraphie improvisée et parfaite, cette animation débordante, un sentiment de temps suspendu, de parenthèse bienveillante, un bonheur simple à se trouver là.

Le cœur de la cité bat et tambourine mais sans agressivité et pourtant l’activité y est intense. Ce sont les bazars qui débordent d’ustensiles, de plateaux d’épices multicolores et de sacs de graines où les moineaux bienvenus viennent picorer, ici le partage est sacré, les échoppes touristiques où s’amoncellent poteries, tapis, bijoux, marqueterie, accessoires en cuir et remèdes herboristes insensés, les marchés bariolés aux étals surchargés, le port qui, à l’heure du retour des bateaux de pêche, promet cris, cohues et savoureuses grillades. La vie à l’état pur, l’effervescence joyeuse.

Au cœur de la médina se trouve la place Moulay Hassan, bordés de cafés dont le célèbre Café de France fondé en 1917 lorsque le Maroc était sous protectorat français et que la ville s’appelait Mogador. Lieu de rendez-vous incontournable pour les Souiri et le café au lait du matin. À quelques enjambées, Chez Driss, une institution pâtissière vénérable où l’on peut déguster ses gâteaux accompagnés d’un thé à la menthe dans un patio ombragé. Plus loin, les fortifications où il faut se rendre sur une des deux Sqalas, plateforme d’artillerie du XVIIIe siècle avec sa dizaine de canons de bronze espagnols, devenue depuis longtemps une promenade et un point de vue sur l’Atlantique.

Le port, attraction incontournable, poumon économique de la cité depuis toujours, où se croisent, petits pêcheurs, gros chalutiers, négociants marocains et espagnols, restaurateurs et particuliers venus faire leur marché, touristes curieux et fascinés et bien sûr les milliers de goélands géants et criards qui sont aussi invasifs qu’ils sont nécessaires au nettoyage des quais, véritables éboueurs maritimes, qui se partagent le territoire avec les centaines de chats. À deux pas, le chantier naval et ses activités de construction et de réparation où le bruit des outils se mêle aux cris des ouvriers qui se répondent d’un bateau à l’autre… La visite du port était devenue pour nous un rituel quotidien pour dénicher les plus belles pièces de turbot, saint-pierre, araignées ou cigales de mer. La trop belle vie !

Je me suis rendu à Mogador plusieurs fois et mes enfants chaque été durant leurs quinze premières années, chez leurs grands-parents qui y avaient travaillé et possédaient une villa en front de mer à l’entrée de la ville. Nous gardons tous un souvenir ému de cette cité, qui a évolué et s’est [sur]développée touristiquement ces dernières années, au point d’y avoir implanté un aéroport avec une ligne directe depuis Paris, mais la magie opère toujours.

Il y fait doux, même en plein été, grâce aux vents marins, vents souvent violents durant cette période, d’où l’attrait des surfeurs. La lumière évolue chaque heure et passe son temps à habiller les façades blanches de la médina de couleurs changeantes et cinématographiques. Les Suiri sont chaleureux et bienveillants. Le temps s’y écoule le plus agréablement du monde.

Les balades et les activités sont nombreuses à Mogador et ses alentours. Plages sauvages ou plages réputées pour ses spots de surf et de kitesurf, ses balades dans les dunes en chameau, en quad ou en 4×4… ses virées en campagne où poussent les arganiers dans lesquels grimpent et broutent les chèvres et dont les graines des fruits produisent la fameuse huile d’Argan… la visite du domaine viticole « Le Val d’Argan » référence nationale fournisseur des meilleures tables et dont le propriétaire, installé depuis presque tente ans, est un ancien viticulteur de Châteauneuf du Pape… Essaouira est également une ville d’art et de culture avec son centre d’Art Contemporain et ses nombreuses galeries et expositions ainsi que ses festivals de Jazz, de Rythmes Gnaoua et Musique du Monde, sans oublier le fantôme de Jimmy Hendrix et son portrait que l’on peut croiser dans la ville suite à un séjour et qui avait, selon la légende, élu domicile à Diabat, un petit hameau voisin.

Mogador. J’aime tellement cet ancien nom (il provient du phénicien « Migdol » signifiant « petite forteresse, et Essaouira vient de l’arabe « Al Suwaira » signifiant lui aussi « la petite forteresse). Son nom est évidemment lié aux fortifications de ce port commercial fondé au XVIIIe siècle, sur le modèle Vauban, destiné à commercer avec l’Europe que l’on souhaitait protéger des pirates et des envahisseurs. Cette merveille architecturale est non seulement une perle marocaine mais c’est également une escale bienveillante.

Vous ai-je conseillé d’y aller absolument ? C’est fait !