Queen Mary 2, la Transat en majesté

Par Jean-Pierre Chanial


JOUR 6 – Good morning New York

Depuis le milieu de la nuit, les côtes américaines clignotent à portée de jumelle. Terre, terre ! On imagine le soulagement des migrants de jadis, en un même élan libérés des tourments de l’océan mais aussitôt jetés dans le grand inconnu de l’aventure américaine. On trottine dans les coursives, ça grimpe les escaliers comme un jeune-homme, les regards pétillent d’impatience. Pas question de rater le moindre frisson, abandon décidé face à l’émerveillement. Smartphone au bout du bras tendu, il faut saisir le moment où l’éclat de New York percera la ligne d’horizon.

Le capitaine a prévenu : le spectacle appartiendra aux lève-tôt. A 3h30, un pilote montera à bord. Passage sous le pont Verrazano vers 5h30, les Cunarders se massent déjà en extérieur, sur les ponts supérieurs, ils applaudissent fort. Puis, Queen Mary 2 progressera lentement vers Big Apple, il fera bientôt face à la statue de la Liberté, les flashes crépitent, il sera environ 6 heures, hourras nourris, selfies et vidéos pour la vie.

La pointe de Manhattan, illuminée par les feux du petit jour émerge de la nuit en star absolue. Le cuivre, l’or et le bleu rebondissent sur les façades vitrées des gratte-ciels, le joyau tant espéré tient son rendez-vous. L’esthétique le dispute alors à l’émotion d’avoir accompli le rite de « sa » Transat. Hommage rendu à un ancêtre miséreux ou peut-être ambitieux, retour sur l’histoire des Pères fondateurs de la nation américaine à bord du Mayflower (1620), à moins que ce soit l’odyssée d’un capitaine au long cours, d’un poète, d’un curieux des mondes nouveaux.

Le paquebot s’amarre le long des quais de Red Hook, le port de Brooklyn. Les passagers débarquent au fil d’une procédure bien rôdée, descendre la coupée, rejoindre la gare maritime, récupérer ses bagages, passer la douane américaine. Certains pas trainent un peu. L’envie de vite aller danser avec cette ville de toutes les effervescences hésite devant la tristesse d’une aventure qui s’achève bien trop vite, mission accomplie.

Robert, prononcer Bob, et Jessica, « call me Jessie », heureux retraités londoniens, ont résolu la question. Ils quittent Queen Mary 2 pour une petite journée de shopping en ville « Jessie rêve d’aller chez Tiffany ! », s’esclaffe Bob. Retour prévu dès 16 heures. Deux heures plus tard, trois longs traits de sirène donneront le top départ d’une nouvelle traversée, cap sur Southampton. Jessie regardera le miroir de leur suite, ce nouveau collier lui va à merveille, elle le portera demain pour la soirée de gala. Bob sera assez fier de sa déclaration d’amour.

FIN