Queen Mary 2, la Transat en majesté

Par Jean-Pierre Chanial


JOUR 5 – Soirée de gala

Soyons clair : la Transat à bord de Queen Mary 2 est affaire de bonne société. Britanniques et Américains racontent ici deux manières d’exceller de part et d’autre de l’Atlantique.

D’accord, les Brits la jouent volontiers redingote, saphir hérité d’un Lord des Indes, amis de Harvard, manoir en Ecosse, chasse au renard et Jaguar avec chauffeur. Du côté des Yank’s on est plutôt rires tonitruants, dentition de diamant, pile de dollars, pied-à-terre dans les Hamptons, 1 000 m² avec piscine bien entendu, armoire à vins avec air conditionné et salaire annuel à six chiffres des bambins qui poussent, on les a pas vus grandir.

Faute de maîtriser ces codes, passagers français, allemands, italiens et espagnols (environs 200 personnes) deviennent les observateurs intrigués d’une cousinade atlantique prompte à célébrer une migration réussie. DiCaprio n’est pas du voyage.

L’apothéose de l’événement, elle correspond aux festivités qu’exigent les Cunarders, n’est autre que la soirée de gala. Par deux fois au cours de la traversée, les passagers sont priés de se révéler prince et princesse. Et c’est bonheur.

Anglaises comme Américaines cèdent avec un élan de jeune mariée à la démonstration de charme et de puissance. Robe couture, soie, dentelle, mousseline chiffonnée, organza, griffes de prestige et avalanche de bijoux. Les décolletés comme les fentes n’avaient pas été aussi osés depuis une éternité, ça glousse fort et ça caquette dur dans les nuages de parfum. Bars et restaurants du paquebot sont placés sous le signe d’une réception au palais où se chamaillent éclats de carats, pétillement de perles, cliquetis de joncaille et chuintement de soieries froissées. Les messieurs en smoking, coupe Savile Row ou Vème Avenue, affichent une bienveillance de chevalier servant avec le plaisir avoué d’une fête aux valeurs revendiquées qu’on prendra plaisir à conclure avec un cigare (dominicain) et une fine de cognac (France), dans le salon réservé à cet effet (pont 8).

L’apothéose s’applaudit au Queens Grill, la table gastronomique strictement réservée aux heureux qui occupent les belles suites. Pour eux, la fortune n’est plus une hypothèse. En cette soirée, ils composent le ballet des excellences, créations haute-couture, fourrures en boléro, rivières à ployer le cou, diadèmes de la place Vendôme, bagues de toutes les précieuses, bracelets, minaudières et tocantes en tourbillon… On dirait un festival des libertés retrouvées, magnifiées par un immense plaisir assumé. Définitivement réjouissant.

à suivre…