HEUREUX QUI COMME ULYSSE…
Interview du Roi Voyageur
Patbac : Bonjour Ulysse. Merci d’avoir accepté de nous recevoir ici, à Ithaque, dans votre modeste palais, veille de la sortie du livre « l’Odyssée » qui retrace votre incroyable aventure*. Vous êtes particulièrement discret depuis votre retour, il y a un an, presque totalement retiré de la vie publique grecque, pourquoi ?
Ulysse : Dix ans de guerre à Troie plus dix années d’errance et d’embûches à travers les mers et les îles accostées… les Dieux n’ont pas été tendres avec moi (rire). Il était naturel que je recherche repos et réconfort auprès des miens après 20 ans d’absence, vous ne pensez pas ? Ma tendre Pénélope et mon très cher Télémaque me soutiennent avec beaucoup d’amour pendant cette convalescence et ce retour à une vie plus sereine (sourire). Les habitants des îles de mon royaume m’ont manqué, c’est pourquoi je me dois avant tout aujourd’hui de me présenter à eux et retisser les liens étroits qui nous unissaient. Et puis l’écriture de ce livre sous la plume d’Homère, que l’on ne présente plus, qui fait suite à son best-seller « L’Iliade », retraçant l’expédition troyenne, a monopolisé une grande partie de mon énergie durant ces derniers mois.
Patbac : Vous qui êtes un grand, voire le plus grand parmi les grands voyageurs de notre civilisation, vous avez pourtant semblé particulièrement marqué à votre retour de cette longue Odyssée.
Ulysse : En effet, j’ai toujours énormément voyagé, depuis ma prime jeunesse avec le roi Laërte, mon père. Comme vous le savez ce royaume est assez vaste puisqu’il correspond à l’archipel des îles Ioniennes. Toutes ces îles, riches en populations et en ressources s’administrent et demandent de fréquents voyages. C’est sans compter les nombreuses expéditions maritimes qu’il nous a fallu mener pour étendre notre influence et notre prospérité. Mais tout cela faisait partie du quotidien d’un roi. J’y ajouterai l’expédition troyenne.
Par contre ce que j’ai vécu durant ces 10 années d’errance relève davantage du châtiment des Dieux et de la quête initiatique… et j’étais très loin d’y être préparé (rire).
Patbac : Châtiment des Dieux, quête initiatique ? Vous pouvez nous en dire plus ?
Ulysse : À la fin des combats, notre armée grecque, a profané des temples troyens avant de rejoindre les navires sur le départ. Poséidon en fut courroucé et provoqua une gigantesque tempête où pratiquement toute la flotte fut détruite et où la plupart périrent. Bien sûr, je comprends sa colère. Seules mes embarcations furent miraculeusement épargnées, comme si les Dieux nous réservaient un destin plus funeste, et elles se retrouvèrent en pleine mer, sans repère, voguant vers l’inconnu. Commença alors une aventure qui durera dix ans. Je ne savais pas encore que les dieux allaient se jouer de nous, nous renvoyant d’épreuves en énigmes, de fuites en affrontements, d’espoirs en désespoirs.
Je parle également de quête initiatique car cette errance contrainte m’a totalement transformé en éprouvant mon courage, ma droiture et mon intelligence. Il m’a fallu résister aux tentations, puiser dans mon arsenal de ruses et en inventer de nouvelles pour échapper à des situations mortelles, conserver absolument la volonté de poursuivre sans jamais abdiquer. Je suis le seul de mes compagnons à être revenu, ils ont tous succombé. Je me retrouve grandi et assagi, je porte désormais un regard différent sur le monde et mon rapport aux Dieux et aux hommes n’est désormais plus le même. Ces aventures épiques ont éprouvé mon courage et mon orgueil. Elles m’ont permis également de découvrir d’autres terres, de croiser d’autres cultures et m’ont ainsi offert quelques moments de grâce.
Patbac : Justement, quels épisodes furent les plus éprouvants et y en a-t-il eu malgré tout de plaisants ?
Ulysse : Les premiers ennuis arrivèrent rapidement avec la rencontre du Cyclope Polyphème, fils de Poséidon, qui tenta de nous dévorer et dont nous crevâmes l’œil unique ce qui rendit son père encore plus fou de rage.
Mais le plus effrayant vint quelques mois plus tard quand nous croisâmes les Lestrygons, ce peuple de géants mangeurs d’hommes qui détruisirent tous nos navires à l’aide d’énormes rochers. Seul le mien put en réchapper et je continuais ma route avec une poignée de compagnons.
Plus tard, la rencontre des trois sirènes, ces monstres marins qui poussent les hommes à la folie, a provoqué la perte de certains parmi nous qui se jetèrent à la mer.
Ce voyage ne fut qu’une succession de tourments. Le livre qui paraît demain raconte tout cela avec force détails (sourire)…
Puis il y eut 2 naufrages : le premier, œuvre de Zeus lui-même, qui me vit seul survivant, moment terrible, car je perdais mes amis et me retrouvais désormais seul. Le second naufrage provoqué par Poséidon, encore lui, qui, jugeant que je n’avais pas assez souffert, coula mon simple radeau mais cela marqua tout de même la fin proche de mes tourments et l’un de ces rares moments bienheureux.
En effet je nageais jusqu’à une plage du royaume d’Alcinoos qui m’offrit une totale hospitalité et me raccompagna quelques semaines plus tard jusqu’à mon Ithaque.
Il y eut un autre épisode plutôt agréable, celui de ma rencontre avec la déesse Calypso, fille du titan Atlas, lorsque je me retrouvai seul après le premier naufrage. Elle s’était éprise de moi et je vécus sept années auprès d’elle, prisonnier certes mais menant une vie presque paradisiaque. Cependant, je souhaitais plus que tout rentrer chez moi et elle me libera finalement à la demande de Zeus. Elle me fournit même le bois nécessaire à mon radeau… que coulera Poséidon peu de temps après (rires).
Patbac : Nous n’avons évoqué qu’une infime partie de votre périple constitué d’une douzaine d’escales** toutes plus incroyables les unes que les autres. Vous ne souhaitiez pas transcrire vous-même votre propre récit ?
Ulysse : J’y ai songé, bien sûr, mais j’avoue avoir moins de talent pour l’écriture que pour l’action (rire) et j’ai préféré laisser ce soin à un auteur renommé qui a su magistralement insuffler tout le souffle épique nécessaire à de telles aventures.
Patbac : Dernière question avant de nous quitter… il est sans doute encore trop tôt mais y aura-t-il un prochain voyage et si oui, quelle en sera la destination ?
Ulysse : Dans un tout premier temps, comme je vous le disais, je compte faire le tour de nos îles avec mon fils Télémaque. Ensuite, pourquoi pas un séjour en Egypte et remonter le Nil jusqu’à sa source me tente assez. Une autre idée qui m’a obsédé durant ces dix longues années : naviguer toujours plus loin vers l’Ouest, jusqu’au bout des flots… mais le projet est périlleux et sans doute me faudra-t-il encore m’absenter dix longues années ou plus. Périlleux mais terriblement tentant…
Patbac
* Odysseus est le nom grec d’Ulysse tandis qu’Ulixes est le nom latin.
**- Les Cicones
– Les Lotophages
– Le Cyclope Polyphème
– La Ville d’Eole
– Les Lestrygons
– La Magicienne Circé
– Le Royaume d’Hadès
– Le Sirènes
– Les Roches Errantes (Charybde et Scylla)
– Les Bœufs Sacrés d’Hélios
– (Premier Naufrage)
– La Déesse Calypso
– (Second Naufrage)
– Le Royaume d’Alcinoos
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